Tabous, idées reçues, silences... Comment envisager une vie sexuelle malgré le cancer

Les problèmes sexuels rencontrés par les patients touchés par un cancer sont une réalité peu familière des médecins. Entre silence des uns et méconnaissance des autres.

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Nancy Cattan Publié le 23/06/2019 à 10:45, mis à jour le 23/06/2019 à 10:45
Ne pas évoquer la sexualité avec une personne atteinte de cancer équivaut à une perte de chance, selon le Dr Carol Burté, andrologue et sexologue à Cannes et Draguignan. P. L.

Andrologue et sexologue, le Dr Carol Burté travaille avec l’INCA (Institut National du Cancer) sur la thématique sexualité et cancer. « Le but est de donner des connaissances et outils aux praticiens pour que soient mieux considérés les problèmes sexuels en cancérologie », résume la spécialiste azuréenne. Rencontre.

Quel impact du cancer ou des traitements sur la vie intime et sexuelle ?

"On estime que deux tiers des patients atteints de cancer souffrent de troubles sexuels. Or, la vie sexuelle est importante pour la plupart des personnes ; elle contribue à une meilleure qualité de vie, ce qui a un impact aussi sur la durée de vie. Ne pas se préoccuper de sexualité devient une mauvaise pratique médicale. C’est une perte de chance pour les patients."

Comment expliquer que les troubles sexuels soient si répandus chez les malades ?

"Le cancer et ses traitements sont la source même de troubles sexuels quels que soient l’âge du patient et le stade de la maladie. L’importance de ces troubles, leur persistance dans le temps varient par contre selon le cancer, mais aussi d’un patient à l’autre. Il reste que l’on estime à environ 5 millions - en incluant les partenaires de patients - le nombre de personnes en France touchées par cette problématique oncosexuelle."

De quelle nature sont ces troubles sexuels ?

"Est bien sûr affectée la réponse sexuelle : le désir, l’excitation, le plaisir, l’orgasme... et par voie de conséquence les relations dans le couple. Existe aussi un trouble de l’identité sexuelle : les patients (e) s disent ne plus se sentir homme, ne plus de sentir femme."

Pourquoi vous a-t-il semblé nécessaire de créer des outils à destination des praticiens ?

"Les enquêtes montrent que la problématique de la sexualité est très peu abordée avec les soignants tout au long de la maladie. Une grande majorité de patients n’a jamais eu d’information sur ce sujet. Et lorsqu’ils en ont eu, c’est rarement à l’initiative du corps médical. Surtout pour ce qui concerne les femmes. L’information est pourtant une obligation légale depuis la loi Kouchner."

les patients sont-ils vraiment demandeurs d’informations sur la sexualité, alors qu’ils affrontent une maladie grave ?

"Ils sont très demandeurs. Mais ils éprouvent de la gêne à aborder cette question souvent considérée comme futile dans le cadre d’une maladie comme le cancer. Faute d’information délivrée par des praticiens, les patients la cherchent sur Internet en particulier. Outre le fait que les sources parfois ne sont pas sérieuses, ce qu’ils vont lire va peu les aider, voire induire de fausses croyances - du type la sexualité est définitivement impossible avec un cancer ! - ou de nouvelles peurs : le sexe peut nuire à la maladie ! Aussi est-il important que les soignants soient à l’initiative d’un dialogue sur la sexualité avec ces patients."

Faut-il être formé pour engager ce dialogue ?

"Prendre en charge une difficulté sexuelle n’est pas forcément le fait de soignants spécialisés. Pour un tiers des patients, la sexualité n’est pas une préoccupation, ils doivent juste bénéficier d’informations. Chez un autre tiers, les troubles induits par le cancer et/ou les thérapies sont faciles à traiter, surtout s’ils sont pris en charge tôt. Seul un dernier tiers nécessite une prise en charge spécifique. Les soignants doivent simplement savoir parler de santé sexuelle, comme d’une composante de la santé en général, être capables de l’aborder dans un interrogatoire de routine à toutes les phases de la maladie. Ils doivent enfin pouvoir conseiller des supports d’information et proposer des prises en charges spécifiques si nécessaire."

Où en est-on dans la région ?

"Cette démarche commence à se développer : il existe déjà des consultations de médecine sexuelle à l’hôpital de Monaco pour les hommes avant et après prostatectomie, des consultations d’oncosexologie au CAL (centre Antoine Lacassagne) de Nice pour les femmes dans le cadre du cancer du sein, des fiches spécifiques d’information ont été créées dans des établissements comme l’hôpital de Cannes, des consultations se développent en ville, etc.

La prise en charge oncosexuelle doit être définitivement intégrée aux prises en charge en cancérologie. On doit assurer une approche globale et pas seulement centrée sur la maladie et son traitement. C’est une des exigences majeures du Plan cancer."

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Nice-Matin

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