Vaccin contre le cancer du col de l’utérus : quelle efficacité ? quels risques ? pour qui ?

Publié par La rédaction de Santé Magazine  |  Mis à jour le Experts : Dre Nasrine Callet gynécologue et oncologue, Institut Curie, Paris ; Pre Odile Launay responsable du Centre d’investigation clinique de vaccinologie, hôpital Cochin, AP-HP, ParisPr Jean-Luc Prétet responsable du Centre national de référence des papillomavirus humains (HPV), CHRU de Besançon

Alimentée par Internet et les réseaux sociaux, la polémique autour de la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) chez l'adolescente, bientôt élargie à l'adolescent, ne faiblit pas en France. Qui croire ? Quelle est l'efficacité de ce vaccin contre les cancers dus au papillomavirus, comme le cancer du col de l'utérus mais aussi celui de l'anus ? Quels sont ses risques ? Les réponses de nos experts.

Il faut d'abord rappeler que le cancer du col de l'utérus provoque plus de mille décès par an en France. L'âge moyen au moment du diagnostic est de 51 ans

Dans la plupart des cas, les virus HPV (papillomavirus humain) sont impliqués dans le développement des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus.

Quelle prévention contre tous les papillomavirus ?

Le problème est que 70 % des femmes sont en contact à un moment ou à un autre de leur vie avec un papillomavirus. Rassurez-vous : la majorité d’entre eux n'est pas responsable de cancer. Très répandus, les virus HPV sont le plus souvent bénins, et dans la majorité des cas éliminés par le système immunitaire dans les quinze mois.

Mais deux d’entre eux sont particulièrement virulents et sont responsables de 70 % des cancers du col de l’utérus. Pour se protéger de tout risque, le préservatif reste le moyen le plus sûr.

Contre les deux papillomavirus à haut risque, la vaccination est très efficace. Elle peut être effectuée indifféremment avec l'un ou l'autre des vaccins existants (Gardasil 9 qui remplace Gardasil depuis fin 2018 et Cervarix). En revanche, toute vaccination initiée avec l'un d'eux doit continuer avec le même vaccin.

Le vaccin contre le cancer du col de l’utérus protège-t-il à 100 % ?

Non. Les deux vaccins ne confèrent pas une protection totale contre le cancer du col de l'utérus, car ils ne sont pas dirigés contre tous les types de papillomavirus.

  • Le Gardasil 9 est une version augmentée du Gardasil : en plus d'une protection contre les souches 6, 11, 16 et 18 du HPV, responsables de 70 % des cancers, il cible 5 souches supplémentaires pour protéger contre 90 % des cancers. Toute nouvelle vaccination doit être initiée avec le Gardasil 9.
  • Le Cervarix vise les souches 16 et 18, en cause dans 70 % des cancers. Selon une étude anglaise parue le 3 novembre 2021 dans The Lancet (source 1), le vaccin Cervarix réduit les cas de cancer du col de l'utérus de 87 %, lorsqu’il est administré à l’âge de 12-13 ans. Des résultats qualifiés "d’historiques" par le centre Cancer Research UK. À noter : les réductions sont moins spectaculaires pour les autres tranches d’âges : 34 % pour les 16-18 ans et 62 % pour les 14-16 ans. Cela s’explique par le fait que moins d’adolescents plus âgés ont entrepris de se faire vacciner et qu’ils étaient peut-être déjà sexuellement actifs (donc potentiellement infectés) au moment de l’injection. 

Toute nouvelle vaccination doit être initiée avec Gardasil 9. Les vaccins ne sont pas interchangeables et toute vaccination initiée avec le Cervarix doit être menée à son terme avec le même vaccin.

La vaccination ne remplace donc pas le dépistage régulier parprélèvement cervico-utérin (examen cytologique anciennement appelé frottis ou test HPV, selon l'âge de la femme). Il reste possible de contracter une souche rare contre laquelle nous ne serons pas protégées, même vaccinées. Comme il n’y a pas de symptôme, seul le frottis permet de s’assurer de la bonne santé du col de l’utérus. Il est donc toujours recommandé par les autorités de santé à partir de 25 ans, tous les trois ans, après deux frottis sans anomalie pratiqués à 1 an d’intervalle. Il est également très important pour celles qui ont déjà commencé leur vie sexuelle avant de se faire vacciner, car le vaccin n’élimine pas les souches du virus qui se seraient installées avant l’injection.

Qui est concerné par cette vaccination contre le papillomavirus et à quel âge ?

La vaccination anti-HPV est recommandée chez les adolescentes et les adolescents de 11 ans à 14 ans : 2 injections espacées d'au moins 6 mois. Initialement réservées aux jeunes filles, la vaccination a en effet été élargie depuis janvier 2021 aux jeunes garçons, conformément aux préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS) publiées en décembre 2019.

La vaccination contre les HPV (Gardasil 9) est aussi recommandée chez les hommes ayant ou ayant eu des relations sexuelles avec d'autres hommes. Dans ce cas, elle peut être pratiquée jusqu'à l'âge de 26 ans.

« Les hommes peuvent non seulement transmettre le HPV, mais aussi en souffrir », explique la Pre Odile Launay, responsable du Centre d’investigation clinique de vaccinologie à l'hôpital Cochin. Outre les cancers de l’anus ou du pénis, la spécialiste rappelle que le papillomavirus peut aussi provoquer des cancers de la langue ou de la gorge chez les garçons comme chez les filles.

Un rattrapage vaccinal est possible avant l'âge de 20 ans (19 ans révolus) : 3 injections. Le vaccin sera moins efficace si la vie sexuelle a déjà débuté

Avant 18 ans, l’autorisation parentale est obligatoire.

Ce vaccin anti-HPV est-il risqué ?

L'affirmation selon laquelle ce vaccin présente des risques importants se base sur des plaintes de plusieurs jeunes femmes qui relient l’apparition de leur maladie neurologique à l’injection du vaccin. Depuis son arrivée sur le marché, le vaccin fait pourtant l’objet d’une procédure de contrôle renforcée pour faire remonter les effets secondaires. Deux grandes études françaises ont en outre abouti à des conclusions rassurantes. Aucune augmentation des maladies auto-immunes, notamment la sclérose en plaques, n’a été constatée sur plus de 4 millions de jeunes filles vaccinées par rapport au groupe contrôle.

« De nombreux travaux scientifiques internationaux ont établi l’innocuité du vaccin anti-HPV », conclut le Pr Jean-Luc Prétet, responsable du Centre national de référence des papillomavirus humains (HPV). Les anti-vaccins contestent la méthodologie de certaines études, mais cela ne prouve pas que la vaccination en elle-même est dangereuse. Une étude a cependant découvert un lien avec une maladie très rare : le syndrome de Guillain-Barré. La vaccination provoquerait une augmentation de 1 à 2 cas pour 100 000 jeunes filles. « D'autres travaux n'ont pas trouvé ce lien », nuance le Pr Prétet. Pour l’Assurance-maladie, le rapport bénéfice/risque reste très favorable en regard des 3 000 femmes qui contractent un cancer du col de l’utérus chaque année.

Faut-il forcément aller chez un gynécologue pour faire le vaccin ?

Non, puisque ce vaccin n’impose aucun examen gynécologique. La vaccination peut être pratiquée par un médecin, une sage-femme, un infirmier (sur prescription) ou dans un Centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), un centre de planification familiale et certains centres de vaccination publics.

Avant 20 ans, les vaccins sont pris en charge à 65 % par la Sécurité sociale.

Après 20 ans, il est toujours possible de se faire vacciner, mais la Sécurité sociale ne rembourse plus le vaccin (108 à 135 €/injection).

A ce jour, aucun rappel n’est prévu, bien que la durée d’immunité soit aujourd’hui incertaine (entre 5 et 10 ans). Affaire à suivre dans les prochaines années…

La vaccination pourrait-elle augmenter le risque de cancer ?

Cet argument des antivaccins est récent. Il développe l’idée que la vaccination favoriserait l’installation des formes de HPV qui ne sont pas ciblées par le vaccin. Ces virus profiteraient de l’absence de concurrents pour se développer plus qu’ils ne l’auraient fait sans la vaccination. « Aucune étude n’a démontré l’existence d’un tel phénomène », tranche le Pr Jean-Luc Prétet.

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