Ces accidents mortels liées à l’activité sexuelle

José Martins © Flickr

Une étude allemande, publiée le 22 août 2019 dans le Journal of Sexual Medicine, décrit les circonstances de décès liés à une activité sexuelle mais ne relevant d’une pathologie préexistante, ce que les auteurs appellent des « morts non naturelles ».

Dans un contexte sexuel, ces décès correspondent généralement à des actes auto-érotiques qui tournent au drame ou à des homicides sexuels (meurtres). Des accidents mortels peuvent cependant également survenir lors de certaines pratiques visant à augmenter le plaisir.

Des médecins de l’Institut de médecine légale de l’hôpital universitaire de Francfort ont utilisé les données d’autopsie pratiquées sur une période de 25 ans afin de déterminer les causes et circonstances des morts non naturelles associés à une activité sexuelle. Des informations ont également été recueillies par les analyses toxicologiques, le recueil du sperme, les rapports de police, les enquêtes judiciaires et parfois les déclarations des partenaires sexuels.

Trois grandes catégories

Sur les 16.437 autopsies réalisées entre 1993 et 2017, 74 morts non naturelles (0,45 %) liées à une activité sexuelle ont été identifiées impliquant 43 hommes (âge moyen : 43 ans) et 31 femmes (âge moyen : 38 ans). Les victimes sont moins âgées que celles qui meurent de causes naturelles souvent liées à une maladie cardiovasculaire lors d’une activité sexuelle. Age en effet estimé à 51 ans.

Les médecins légistes ont classé les décès associés à une activité sexuelle en trois groupes.

Le groupe I comprend les morts accidentelles auto-érotiques, c’est-à-dire que les décès n’impliquent pas la participation d’une tierce personne. Ce groupe est très majoritairement composé de sujets de sexe masculin (21 hommes, 1 femme). L’âge moyen des victimes est de 45 ans. La principale cause de la mort est un accident par strangulation, la victime ayant utilisé une ceintures, une corde ou une chaîne pour comprimer leur propre cou. Le but recherché est en effet de provoquer un manque d’oxygénation du cerveau, l’hypoxie cérébrale renforçant le plaisir sexuel chez certains individus. Selon le dispositif utilisé, le décès est dû à un étranglement ou à une pendaison. Quinze des 21 hommes ont été découverts entièrement nus ou le pantalon baissé.

Objets divers

Un homme est cependant décédé des complications (défaillance multiviscérale) d’une lésion grave du rectum liée à l’introduction d’un corps étranger, un gros radis en l’occurrence. L’utilisation de corps étrangers a principalement été enregistrée dans le groupe I (auto-érotisme). Ont été utilisés : un vibromasseur, un sextoy, un plug anal, un poing en caoutchouc (rubber fists), des légumes (gros radis, aubergine), mais également des fils électriques ou encore le manche d’une ventouse pour déboucher les toilettes.

Le groupe II (9 hommes, 14 femmes) est constitué de personnes décédées lors d’une activité sexuelle avec un partenaire et dans un contexte de consentement mutuel. Deux hommes et une femme sont morts lors d’une séance de sadomasochisme. Ces trois personnes étaient pourtant expérimentées dans ce domaine. Dans le cadre de ces rapports sexuels consentis, une femme est morte par étranglement, une autre par noyade. L’âge moyen des victimes est de 40 ans.

Le groupe III (13 hommes, 16 femmes, âge moyen 39 ans) est composé de personnes décédées lors d’une activité sexuelle avec au moins un partenaire mais réalisée sans consentement. On compte dans ce groupe un plus grand nombre de femmes. L’une d’entre elles a été victime d’un tueur en série sadique, suspecté d’être le meurtrier d’au moins six autres femmes.

Violence sexuelle

Les légistes ont également observé que la violence (le plus souvent exercée avec un couteau de cuisine) est la principale cause de décès dans ce groupe. Une femme sous ecstasy est décédée d’une hémorragie provoquée par des lacérations rectales et vaginales causées par l’introduction d’un corps étranger (plug anal, goulot de bouteille). Deux garçons de 13 ans et une fillette de 9 ans ont été étranglés par leurs agresseurs sexuels. Enfin, une enfant et deux femmes ont subi des mutilations post-mortem des organes génitaux.

Le décès est le plus souvent survenu dans l’appartement de la victime, en particulier dans les groupes I (auto-érotisme) et III (sans consentement). La mort est parfois intervenue dans un lieu public. Ainsi, dans le groupe II (avec consentement mutuel), des victimes ont été découvertes à l’arrière d’une maison, dans une voiture, un champ, aux abords d’un lac. Dans plusieurs cas relevant du groupe III (sans consentement), le corps de la victime a été déplacé par l’agresseur. Le cadavre a ainsi été retrouvé dans une forêt, un dépôt de marchandises, près d’une gare.

Certains objets retrouvés sur le lieu du décès (bouteilles de liqueur, produits chimiques, emballages vides de médicaments, sacs contenant des substances illicites), de même que les déclarations des partenaires sexuels ou des agresseurs, laissent à penser que certaines victimes ont consommé de l’alcool ou de la drogue (héroïne, cocaïne, amphétamines, ecstasy) avant de mourir.

Eduquer les jeunes

Dans le groupe II (avec consentement mutuel), les intoxications et les accidents de strangulation sont les principales causes du décès. Cette étude montre ainsi que la consommation de substances psychoactives dans le cadre de relations sexuelles (Chemsex), le plus souvent rapportée chez les homosexuels masculins, existe également chez les femmes lors de relations hétérosexuelles.

«  Étant donné que la compression du cou est une pratique souvent visible sur des sites web pornographiques facilement accessibles, le personnel médical se doit d’être informé que ces activités sont potentiellement mortelles. Il ne faut pas oublier qu’un effet d’imitation pourrait concerner non seulement des adultes mais également des adolescents et de jeunes adultes inexpérimentés à la recherche de sensations fortes. À notre avis, la prévention de ces décès pourrait être facilitée si on incluait cette thématique dans l’éducation sexuelle des jeunes, au même titre que les maladies sexuellement transmissibles ou le risque de grossesse. Le personnel médical, notamment les médecins généralistes, les pédiatres et les urgentistes, devrait aborder ouvertement ce sujet lorsqu’ils ont affaire à des patients ayant des problèmes de santé sexuelle ou lorsqu’ils traitent des personnes ayant possiblement survécues à de telles pratiques », concluent Lena Bunzel et ses collègues légistes de l’hôpital de l’université Goethe de Francfort.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, sur Facebook)

Pour en savoir plus :

Bunzel L, Koelzer SC, Zedler B, Verhoff MA, Parzeller M. Non-Natural Death Associated with Sexual Activity: Results of a 25-Year Medicolegal Postmortem Study. J Sex Med. 2019 Aug 22. pii: S1743-6095(19)31285-8. doi: 10.1016/j.jsxm.2019.07.008

Lange L, Zedler B, Verhoff MA, Parzeller M. Love Death-A Retrospective and Prospective Follow-Up Mortality Study Over 45 Years. J Sex Med. 2017 Oct;14(10):1226-1231. doi: 10.1016/j.jsxm.2017.08.007

Sauvageau A. Autoerotic deaths: a 25-year retrospective epidemiological study. Am J Forensic Med Pathol. 2012 Jun;33(2):143-6. doi: 10.1097/PAF.0b013e3182186a03

Chan HC, Heide KM. Sexual homicide: a synthesis of the literature. Trauma Violence Abuse. 2009 Jan;10(1):31-54. doi: 10.1177/1524838008326478

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Une réponse sur “Ces accidents mortels liées à l’activité sexuelle”

  1. Comment peut-on parler d’accidents pour des violences subies par des victimes non-consentantes ?? Vous pensez vraiment qu’on peut parler d’activité sexuelle pour des victimes de meurtres commis par des pervers?

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