Drague des ados par sexting : a priori, pas de quoi s’inquiéter

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

8 octobre 2014

Gavelston, Etats-Unis — La pratique du « sexting » - un mot-valise formé de « sexe » et de « texto »-, c’est-à-dire l’envoi électronique de textes ou de photographies à caractère ouvertement sexuel, principalement par le biais des téléphones portables, prend de l’ampleur, notamment chez les adolescents. Faut-il s’en inquiéter ou s’agit-il d’une toute nouvelle pratique de drague, au même titre que les lettres d’amour enflammées d’autrefois (l’un n’empêchant pas l’autre) ? Une étude américaine, la première sur ce sujet brûlant, révèle que l’envoi de messages suggestifs précède de quelques mois les premières relations sexuelles chez les ados, mais ne s’accompagne pas de pratiques à risque (non protégées, sous l’effet de substances…) [1]. Pour Jeff Temple , professeur de psychologie et l’un des auteurs, ces résultats dédramatisent et banalisent la pratique du sexting, celle-ci devenant une nouvelle étape « normale » du développement sexuel adolescent, un peu comme un nouveau territoire de la Carte de Tendre… si ce n’est le danger lié à la diffusion tout azimut de ces images intimes.

Sexting et relations sexuelles : quid de l’œuf ou de la poule ?

Le sexting, phénomène qui concerne 15% à 28% des adolescents américains, et commence à s’installer en France, signe-t-il l’entrée dans la sexualité ou en est-il, à l’inverse, une conséquence ? Est-il un marqueur de pratiques à risque ? C’est pour répondre à ces questions, sans réponse jusqu’à présent, du fait de la nouveauté du phénomène, que Jeff Temple et HyeJeong Choi de l’université du Texas ont mené une enquête chez 1042 lycéens fréquentant 7 lycées publics texans dans le cadre d’une étude plus vaste intitulée Dating it safe. Les adolescents ont répondu de manière anonyme à un questionnaire remis au printemps 2011 puis en 2012. Les questions portaient, d’une part, sur leur pratique du sexting, à savoir, s’ils envoyaient des photos (par SMS ou e-mail) de nus d’eux-mêmes (sexting actif), s’ils demandaient des photos de nus à d’autres personnes ou s’il leur avait été demandé d’envoyer des photos d’eux nu (sexting passif). D’autre part, il leur était demandé s’ils avaient des relations sexuelles (que ce soit vaginales, anales, hétérosexuelles ou homosexuelles, mais hors fellation), s’ils utilisaient des préservatifs, combien de partenaires sexuels ils avaient et s’ils consommaient des substances (alcool, drogue) avant une relation sexuelle.

Des résultats qui diffèrent selon que le sexting est actif ou passif

Les participants étaient âgés de 16 ans en moyenne, étaient à 52 % des filles, les origines ethniques étaient diverses. Les résultats indiquent que les adolescents qui envoyaient des sextings en 2011 étaient plus susceptibles d’avoir eu des relations sexuelles dans l’année qui suivait (OR : 1,32 ; IC95% : 1,07-1,63) par rapport aux ados qui n’en envoyaient pas. En revanche, cette corrélation dans le temps n’était pas retrouvée chez ceux qui s’étaient vus demander des photos explicites ou en avaient demandées à d’autres (sexting passif). Contrairement à ce qui était attendu, le fait d’envoyer des sextings n’était en rien lié à des pratiques à risque (non protégées, grand nombre de partenaires, sous l’effet de substances…). A noter : dans l’étude, le fait d’avoir des relations sexuelles à l’entrée dans l’étude ne favorisait pas l’envoi de sexting dans l’année qui suivait, en revanche, les ados impliqués dans un « sexting passif » étaient plus susceptibles de verser dans le « sexting actif ».

Les auteurs reconnaissent un certain nombre de limites à leur étude (différences régionales possibles, exclusion des pratiques de fellation, etc) et notent qu’au vu de l’évolution des médias sociaux, il faudrait aussi se pencher sur des réseaux comme Snapchat qui permettent d’envoyer des images dont l’affichage est temporaire.

Ne pas s’affoler mais discuter et informer

Les conclusions des auteurs se veulent rassurantes, l’envoi de sexting constituerait une nouvelle étape « normale » du développement sexuel des adolescents.Interrogé par le New York Times, Jeff Temple précise sa pensée :«Je te montre le mien, si tu me montres le tien » est une pratique qui existe depuis longtemps. En revanche, c’est le média utilisé qui la rend différente et inquiétante. En soi, l’échange de photos intimes n’a rien d’anormal [2] ». Pour le psychologue, les parents qui découvrent que leur enfant envoie des sextings devraient y voir l’opportunité de parler avec leur ado avant qu’il ne démarre sa vie sexuelle, plutôt que de s’alarmer. Reste que si le sexting ne signe pas l’entrée dans la débauche des adolescents - avec les risques que cela comporte -, il existe un autre type de danger qui est que l’image intime soit partagée avec des personnes à qui elle n’était pas destinée initialement. Si contrairement à la pensée dominante, Jeff Temple ne considère pas le sexto comme étant en lui-même un comportement sexuel à risque, il admet cependant qu’il s’agit d’une forme différente de risque. «C’est « Tu me montres le tien, puis je le montre au monde entier » qui pose problème » reconnait-il. Cela exige des parents et des éducateurs de rappeler aux jeunes que lorsqu’une information est publique, elle le reste.

 

REFERENCES :

  1. Temple JR, Choi HJ. Longitudinal Association Between Teen Sexting and Sexual Pediatrics ; originally published online October 6, 2014.

  2. Dell’Antonia KJ. The Issue With Sexting Isn’t the Sex. It’s the Text. NY times, 6 octobre 2014.

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