Analyse

Stérilet : les gynécos font un blocage

Alors que l’Autorité de santé est favorable au dispositif intra-utérin, nombre de spécialistes sont réticents à le prescrire aux femmes qui n’ont pas d’enfant.
par Virginie Ballet
publié le 23 mars 2015 à 18h36

A 34 ans, Diane porte un stérilet en cuivre depuis plus de six ans. Quand, il y a quelques mois, elle doit exceptionnellement consulter un autre gynécologue que celui qui la suit habituellement, le praticien, découvrant son moyen de contraception à l'examen, s'exclame : «Qui a osé vous faire cela ? On ne pose pas de stérilet à une nullipare !» Car utiliser un dispositif intra-utérin (DIU, l'autre nom du stérilet) lorsque l'on n'a pas eu d'enfant reste une pratique marginale en France. La place du stérilet dans l'Hexagone a d'ailleurs été l'un des thèmes abordés au cours du 25e Salon de gynécologie obstétrique, qui s'est tenu la semaine dernière à Paris.

Selon la dernière enquête de l'Ined et de l'Inserm (1) sur la contraception, en 2013, 8% des 25-29 ans sans enfant étaient concernées par le stérilet, contre 0,4% trois ans auparavant. Cette augmentation, en partie due aux scandales de la fin 2012 autour de la pilule, n'a en revanche pas été constatée chez les sans-enfant de 20-24 ans, ni chez les moins de 20 ans. Pour les auteurs, la «réticence des professionnels» a certes un peu diminué, mais demeure néanmoins une réalité.

Forums. Pourtant, depuis 2004, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes, l'ancêtre de la Haute Autorité de santé), ne considère plus la non-maternité comme une contre-indication et souligne qu'«aucun risque de stérilité tubaire n'a été démontré, y compris chez les nullipares». Le risque de grossesse extra-utérine est pour sa part décrit comme «extrêmement faible». «Un grand nombre de médecins ne lisent pas les recommandations de la Haute Autorité de santé», avance le DMartin Winckler (2), pour qui «il y a encore des réticences idéologiques extraordinaires». En atteste le nombre de témoignages sur des forums en ligne de femmes confrontées à un refus injustifié de leur médecin.

En octobre 2013, une équipe de chercheurs (3) s'est penchée sur le point de vue des médecins (généralistes et spécialistes) sur les DIU. «Les idées erronées sur les indications et les effets secondaires du stérilet sont très répandues parmi les praticiens», écrivent les auteurs. 83% des médecins interrogés croient d'ailleurs ces dispositifs inadaptés aux femmes sans enfant. «On est partis depuis vingt ans sur une fausse idée selon laquelle le stérilet est dangereux pour cette population, qu'il provoquerait des infections, voire serait responsable d'infertilité, alors que ce n'est absolument pas validé scientifiquement, observe le Dr Danielle Hassoun, gynécologue, membre du collège d'auteurs. La médecine, c'est de la science, mais ce sont aussi des habitudes, qu'il est difficile de changer.»

«Rassurer». La Haute Autorité de santé relève bien qu'un risque de maladie inflammatoire pelvienne lié à la pose existe dans les trois semaines suivantes, mais qu'il est lié à des conditions d'hygiène critiquables. «En réalité, ce qui cause des infections, ce sont les maladies sexuellement transmissibles, pas le stérilet», précise Martin Winckler.

Quant à la question de la douleur lors de la pose, un autre des blocages observés, y compris parmi les patientes, pour Danielle Hassoun, «c'est une réalité, même s'il n'y a pas d'article à ce sujet : le col d'une femme sans enfant est plus fermé, le passage peut donc être un peu douloureux. Certains médecins peuvent aussi avoir peur du geste». Mais, pour elle comme pour Martin Winckler, l'utilisation d'anti-inflammatoires peut y répondre. Il existe en outre des stérilets plus petits, commercialisés spécifiquement pour les nullipares. «Il est important de rassurer les patientes, estime Winckler, de leur montrer l'objet, de les briefer sur l'acte en lui-même.»

(1) «La crise de la pilule en France : vers un nouveau modèle contraceptif ?» Nathalie Bajos, Mylène Rouzaud-Cornabas, Henri Panjo, Aline Bohet, Caroline Moreau et l’équipe Fécond, «Population & sociétés» n° 511, mai 2014.

(2) Auteur notamment de «Contraceptions, mode d'emploi» (3e édition, J'ai lu, 2007) et du blog Winckler's webzine.

(3) «IUD use in France : women's and physician's perspectives», Elsevier, octobre 2013. http://www.contraceptionjournal.org/article/S0010-7824(13)00643-4/pdf

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