Les effets de l’usage problématique du smartphone sur l’intimité conjugale et sexuelle

Article invité

Louise Paitel

Louise Paitel est psychologue clinicienne, spécialisée en thérapies cognitives et comportementales, et sexologue.
Elle exerce en cabinet libéral, à la frontière entre le Var et les Bouches du Rhône.

Dans le cadre de son mémoire de recherche en sexologie, elle a mené en 2023 et 2024 une étude sur l’impact du smartphone sur les relations de couple et la sexualité.

L’étude, qui se base sur plusieurs tests standardisés, visait à comparer la satisfaction conjugale et sexuelle entre les partenaires qui sont dépendants de leur smartphone et ceux qui ne le sont pas.

Elle a également cherché à comprendre comment la dépendance au smartphone peut affecter différemment les relations de couple en fonction de si un, les deux ou aucun des partenaires est addict.

L’objectif final était d’informer et de proposer des solutions pour aider les personnes dépendantes à leur smartphone à améliorer la qualité de leur vie de couple et de leur sexualité.

A l’heure actuelle, Louise Patel continue ses recherches autour du lien entre les nouvelles technologies et la sexualité.

Dans notre société hyperconnectée, l’usage du smartphone est devenu incontournable. Pourtant, derrière cet outil quotidien se cache un phénomène insidieux qui affecte les relations de couple.

L’étude de Louise Paitel et ses collaborateurs, menée auprès de 330 couples hétérosexuels, a révélé des résultats surprenants sur l’impact de l’usage problématique du smartphone sur la satisfaction conjugale et sexuelle.

Une prévalence élevée et une dépendance plus marquée chez les femmes

Dans notre échantillon, 9,5 % des participants ont été identifiés comme ayant un usage problématique du smartphone, ce qui est bien au-dessus de la moyenne trouvée dans d’autres études françaises (environ 3 à 4 %).

Aussi, la dépendance est significativement plus fréquente chez les femmes, résultat similaire à celui d’autres études sur le sujet.

L’intimité conjugale et sexuelle : deux facettes indissociables

Lorsque l’un des membres du couple est satisfait, que ce soit au niveau sexuel ou conjugal, l’autre sera plus susceptible de l’être également. De même, lorsque l’un des membres du couple est dépendant au smartphone, l’autre risquera de l’être aussi. Cela peut s’expliquer par l’influence et le mimétisme souvent observés entre les partenaires d’un même couple, et le fait que les aspects positifs et négatifs d’une relation se renforcent dans le temps et s’auto-entretiennent.

Aussi, nos résultats montrent une corrélation forte entre la satisfaction conjugale et la satisfaction sexuelle. Lorsque la satisfaction relationnelle est impactée, la satisfaction sexuelle se dégrade également, et vice versa, créant un effet de résonance au niveau individuel, et au sein du couple.

L’influence du smartphone : un déséquilibre subtil mais puissant

L’un des constats les plus intéressants de cette étude est la manière dont la dépendance au smartphone affecte la satisfaction conjugale. En effet, lorsqu’aucun partenaire n’est dépendant, la satisfaction conjugale est élevée. Cependant, cette satisfaction elle diminue lorsque l’un des partenaires présente des signes de dépendance à son smartphone, et cette satisfaction se dégrade encore davantage lorsque les deux partenaires sont dépendants, même si les scores de satisfaction restent au-dessus du seuil de détresse conjugale.

En ce sens, le smartphone, bien qu’il semble au départ être un simple outil de communication ou de distraction, peut rapidement devenir une source de perturbation relationnelle.

Paradoxalement, la satisfaction sexuelle semble épargnée, du moins en apparence. Les couples dont l’un ou les deux partenaires sont dépendants affichent des scores de satisfaction sexuelle relativement élevés, selon l’Indice de Satisfaction Sexuelle (ISS), et leurs scores à la Dyadic Adjustment Scale (DAS-32) montrent une satisfaction conjugale qui, bien que diminuée, reste au-dessus du seuil critique.

Cela suggère que la dépendance au smartphone impacte avant tout la qualité du temps passé ensemble, la communication et la capacité à être présent pour l’autre, plutôt que la vie sexuelle elle-même et la présence de gestes affectueux.

Malgré tout, le smartphone peut devenir un facteur de distraction et de distance émotionnelle qui peut, à terme, perturber l’équilibre global du couple, créant des tensions, des interprétations sur l’état de la relation, des incompréhensions et des conflits.

Des différences marquées entre hommes et femmes…

Chez les femmes, l’insatisfaction sexuelle tend à aggraver la dépendance au smartphone (peut-être par évitement d’une sexualité insatisfaisante ?), alors que cette tendance n’est pas observée chez les hommes. 

Chez ces derniers, l’insatisfaction sexuelle diminue la probabilité que leur compagne soit dépendante de son smartphone (peut-être parce que la femme serait davantage sollicitée dans ce contexte ?)

La dépendance au smartphone des femmes va diminuer le bonheur conjugal de leur conjoint. Cette tendance n’est pas observée quand les hommes sont dépendants du smartphone : la satisfaction relationnelle des femmes reste intacte.

… mais également des similitudes

L’insatisfaction sexuelle de l’homme et de la femme affectent leur satisfaction conjugale. Aussi, plus leur satisfaction conjugale est élevée, moins leur dépendance au smartphone risque de l’être. Enfin, la dépendance au smartphone de l’homme et la femme affecte en premier lieu leur propre bonheur conjugal.

Un cercle vicieux qui s’installe

Vous l’avez compris, la dépendance au smartphone peut s’auto-renforcer via des difficultés affectives. Chez les hommes, ce sont davantage les difficultés conjugales préexistantes qui mènent à une utilisation excessive du smartphone, tandis que chez les femmes, c’est la dépendance au smartphone elle-même qui finit par créer des problèmes conjugaux.

Ce phénomène montre à quel point le smartphone peut devenir une échappatoire face aux difficultés relationnelles, mais aussi un élément perturbateur qui amplifie ces mêmes problèmes.

Le smartphone devient ainsi à la fois le symptôme et la cause de difficultés conjugales, renforçant un cercle vicieux où l’isolement et l’évitement émotionnel exacerbent les tensions au sein du couple.

Ce mécanisme d’évitement, initialement utilisé pour gérer le stress ou l’insatisfaction, finit par empirer la situation, créant une spirale descendante difficile à rompre.

Alors, que faire ?

Face à ces résultats, Louise Paitel a établi un programme thérapeutique TCC à destination des professionnels de santé, qu’elle a présenté lors de congrès, et qui sera accessible, ainsi que les résultats détaillés de l’étude, dans de futures publications.

Les grandes lignes sont présentées ici :

  • Dépister / Informer
  • Différencier les temps solitaire et commun
  • Repérer les automatismes comportementaux
  • Faire le point sur les raisons du partner phubbing (fait d’ignorer son partenaire au profit du téléphone)
  • Détecter les violences conjugales réelles, mais également sur la sphère virtuelle
  • Mettre au clair ses valeurs et prioriser son ou sa partenaire
  • Faire de la technologie l’alliée du couple (textos, sextos, smartphone intégré aux scripts sexuels, partager un seul et même écran…)
  • Établir des règles (confiance, repas, chambre, vie perso/pro, films, mais aussi en termes d’horaires, de zones…)
  • Mettre en place des rituels ensemble sans téléphone

En conclusion : un impact en cascade

En résumé, plus il y a de partenaires dépendants au smartphone dans le couple, plus la satisfaction conjugale diminue.

Et comme la satisfaction conjugale est étroitement liée à la satisfaction sexuelle, l’impact du smartphone sur la vie de couple se propage à la sphère sexuelle, par ricochet.

Cette étude met en lumière un phénomène souvent sous-estimé : l’usage problématique du smartphone ne se limite pas à l’individu, mais s’immisce dans l’intimité du couple, perturbant la connexion émotionnelle et, à terme, la relation dans son ensemble.

Les professionnels de la santé sexuelle et conjugale devraient donc dépister et explorer, de manière plus systématique, ces nouvelles problématiques et proposer des pistes d’accompagnement pour aider les couples à surmonter cet obstacle fréquent.

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