Les retentissements du Ramadan sur la vie de couple et la sexualité

L’un des cinq piliers de l’Islam est le jeûne du mois de Ramadan, période durant laquelle les musulmans pratiquants s’abstiennent de manger, de boire et d’avoir des activités sexuelles du lever au coucher du soleil.

Des études ont montré que les rythmes de vie changent pendant le mois du Ramadan, tant physiquement que psychologiquement1

La plupart du temps, ce mois de jeûne démarre sans aucune préparation physique préalable, entrainant ainsi un changement des habitudes de vie d’un jour à l’autre : rythme de l’alimentation, de l’hydratation, du sommeil mais également de la sexualité.

Dans la mesure où la sexualité est soumise à la coordination entre les systèmes neurologique, vasculaire, hormonal et émotionnel, la vie sexuelle des jeûneurs peut être perturbée par ces changements brutaux.

Le Ramadan altère significativement la vie sexuelle des jeûneurs et des jeûneuses

Une étude a été menée au Maroc auprès de 113 musulmans, participant au jeûne pendant les mois du Ramadan deux années consécutives, afin d’obtenir des données sur la fréquence des différentes dysfonctions sexuelle et de les comparer avec la fréquence des dysfonctions sexuelles en dehors du jeûne.

Les résultats ont montré une altération significative de la vie sexuelle des jeûneurs2

Les personnes qui jeunent pendant le Ramadan rapportent en effet :

sexualité ramadan
Dysfonctions sexuelles pendant le Ramadan

Toujours selon la même étude, la fréquence des rapports sexuels avant le Ramadan était de deux à trois fois par semaine pour 56% des répondants, alors qu’elle n’est que de 29% la dernière semaine du Ramadan. 16% n’ont eu aucune activité sexuelle pendant le mois de jeûne, tandis que l’ensemble de l’échantillon avait eu au moins un rapport sexuel le mois précédent.

Une souffrance liée à la diminution de la qualité des rapports sexuels

Alors que les rapports sexuels restent autorisés pendant la période du Ramadan, à partir du moment où ils n’ont pas lieu pendant la journée, il est intéressant de constater les faits suivants :

  • Au début du Ramadan, 50,4 % des personnes interrogées étaient extrêmement satisfaites de leur vie sexuelle contre seulement 34,5 % à la fin.
  • Une baisse du désir sexuel a été constatée chez la moitié des sujets tout au long du mois de jeûne.
  • La souffrance subjective de l’abstinence en dehors du mois de Ramadan n’a été signalée que par 4,5% des sujets, alors que 26,1% des personnes interrogées en ont souffert pendant le Ramadan.
  • Les troubles de l’éjaculation étaient ressentis par 8 % des hommes avant le ramadan, pour atteindre 12,5 % pendant le mois de jeûne.
  • Lorsque l’on interroge les femmes, la prévalence de la dyspareunie a doublé, passant de 2,3 % à 4,5 %
  • Quant à la prévalence du vaginisme, elle, n’a pas évolué (3,4 % avant et pendant le mois de Ramadan). Tout comme l’incidence des hommes souffrant de dysfonction érectile avant et après le Ramadan qui reste stable (4,5 %).
Troubles sexuels et Ramadan
Effets du Ramadan sur la sexualité

Des difficultés sexuelles liées à la modification du rythme biologique

Le rythme biologique quotidien de la grande majorité des paramètres physiologiques humains (Dunlap et al., 2004 ; Refinetti, 2005) est affecté par le rythme alimentaire3.

Plusieurs études épidémiologiques ont examiné les changements qui peuvent se produire à la suite de modifications du rythme de vie, telles que la survenue d’un infarctus du myocarde, des modifications sur les naissances ou la fréquence du suicide à différents moments de la journée456

Effets du changement de rythme
Les effets des changements de rythme sur la santé et la sexualité

En ce qui concerne la répartition de la vie sexuelle en fonction des horaires de la journée, on constate qu’en temps normal7 :

  • 66 % des rapports sexuels ont lieu entre 22 heures et 1 heure du matin.
  • 38,3 % des relations sexuelles hebdomadaires ont lieu le week-end.
  • La fréquence des rapports sexuels est 3,4 fois plus élevée le dimanche et 1,6 fois plus élevée le samedi

Il est donc évident que le couple dispose d’une certaine disponibilité de temps en journée le week-end, ce qui pourrait ainsi expliquer la baisse de l’activité sexuelle pendant le mois du Ramadan, puisqu’aucun rapport sexuel ne peut avoir lieu durant la journée.

En outre, la durée du sommeil durant le Ramadan est sensiblement réduite par rapport à d’habitude8, et les performances ainsi que d’autres variations métaboliques sont diminuées9

On peut supposer que tous ces facteurs sont impliqués dans la diminution de la fréquence de l’orgasme que l’on retrouve dans les études.

Causes des dysfonctions sexuelles pendant Ramadan
Causes des dysfonctions sexuelles pendant Ramadan

Une diminution de la possibilité d’avoir des moments intimes

Un certain nombre de paramètres socioculturels peuvent être discutés afin de comprendre les raisons de l’augmentation des dysfonctions sexuelles. De nombreux musulmans qui jeûnent passent un temps important à prier le soir à la mosquée, une grande partie de la soirée est donc consacrée aux pratiques spirituelles.

Dans le cadre des veillées du Ramadan, les rencontres familiales et la multiplicité des invitations à la maison le soir, réduisent encore les possibilités de moments intimes des partenaires. De plus, la pratique du jeûne varie en fonction du lieu et de la saison. En été et sous les latitudes septentrionales, la durée du jeûne est beaucoup plus longue. Il est nécessaire de faire les « grandes ablutions » qui consistent à laver tout le corps immédiatement après un acte sexuel afin de pouvoir à la fois prier et jeûner. En conséquence, certaines personnes, en particulier celles qui ont l’habitude d’aller aux bains mauresques à l’extérieur, s’abstiennent généralement d’avoir des relations sexuelles, car il leur est logiquement difficile d’avoir des relations sexuelles avant le lever du soleil.

Une augmentation du stress et de l’irritabilité pendant le Ramadan

Une enquête sur l’irritabilité a montré qu’elle augmente continuellement pendant le Ramadan et atteint des sommets à la fin du mois10. La consommation de psychostimulants (café et thé) augmente avec le niveau d’anxiété, tout comme le niveau de stress. Le niveau d’irritabilité augmente plus fortement chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. On peut supposer que l’état psychologique est ainsi perturbé, ce qui n’est pas favorable à un épanouissement sexuel complet à la fin de la fête quand on connaît l’importance des jeux de séduction qui peuvent avoir lieu bien avant le rapport sexuel.

Quelques pistes pour améliorer la sexualité au temps du Ramadan

Miser sur l’éducation et la prévention

De manière générale, le Ramadan a un impact négatif sur la vie sexuelle, il serait profitable qu’existent des espaces de prévention pour parler de santé sexuelle afin d’améliorer la qualité des relations pendant ce mois divin. 

Koral souligne que son interprétation du Coran met en avant le fait qu’il n’existe pas d’obstacle à l’éducation sexuelle en général et que celle-ci pourrait être particulièrement appropriée pour le mois du Ramadan11. Par conséquent, on peut supposer que ces personnes subirons moins les effets du jeûne lors des rapports sexuels pendant le mois de Ramadan.

Revoir la prise des médicaments

Le Ramadan peut déstabiliser les patients souffrant de certaines affections telles que l’hypertension, l’hypercholestérolémie, l’hyperuricémie, le diabète et les maladies du cœur, des reins et du foie12. Des précautions particulières doivent être prises concernant ce profil de patient pendant leur vie sexuelle également.

Ces dernières années, un consensus s’est dégagé pour que l’administration de médicaments soit correctement respectée pendant le mois du Ramadan13. Si la prise de certains médicaments peut être décalée à la tombée de la nuit, d’autres ne peuvent pas être retardées.

Il peut donc être utile de faire le point avec son médecin traitant sur la meilleure manière d’adapter son traitement de fond et son suivi médical durant cette période afin de diminuer le risque de retentissements physiologiques.

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Références

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  2. Berrada et al. 2008. « Sexualité durant le mois de Ramadan ». Sexologies 17 (2): 83‑89. https://doi.org/10.1016/j.sexol.2007.01.003[]
  3. Iraki et al. 1997. « Ramadan Diet Restrictions Modify the Circadian Time Structure in Humans. A Study on Plasma Gastrin, Insulin, Glucose, and Calcium and on Gastric PH ». The Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism 82 (4). https://doi.org/10.1210/jcem.82.4.3860[]
  4. Martens et al. 1995. « Further Prospective Evidence of a Circadian Variation in the Frequency of Call for Sudden Cardiac Death ». Intensive Care Medicine 21 (1): 45‑49. https://doi.org/10.1007/BF02425153.[]
  5. Goldstick et Al. 2003. « The Circadian Rhythm of “Urgent” Operative Deliveries ». The Israel Medical Association Journal : IMAJ 5 (8). https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12929294/.[]
  6. Gallerani et al. 1996. « The Time for Suicide ». Psychological Medicine 26 (4). https://doi.org/10.1017/s0033291700037909.[]
  7. Refinetti. 2005. « Time for Sex: Nycthemeral Distribution of Human Sexual Behavior ». Journal of Circadian Rhythms 3: 4. https://doi.org/10.1186/1740-3391-3-4.[]
  8. Bahammam. 2006. « Does Ramadan Fasting Affect Sleep? » International Journal of Clinical Practice 60 (12). https://doi.org/10.1111/j.1742-1241.2005.00811.x.[]
  9. Ziaee et al. 2006. « The Changes of Metabolic Profile and Weight during Ramadan Fasting ». Singapore Medical Journal 47 (5). https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16645692/[]
  10. Kadri et al. 2000. « Irritability during the Month of Ramadan ». Psychosomatic Medicine 62 (2). https://doi.org/10.1097/00006842-200003000-00021.[]
  11. Koral. 1991. « Cultural, Religious and Socio-Economic Factors Affecting Sex Education in Turkey ». Planned Parenthood in Europe. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12343170/.[ref].

    Pratiquer une activité physique régulière

    Les effets négatifs du jeûne pendant le mois du Ramadan sont réduit lorsque les sujets pratiquent une activité physique régulière[ref]Ramadan J. 2002. « Does Fasting during Ramadan Alter Body Composition, Blood Constituents and Physical Performance? » Medical Principles and Practice : International Journal of the Kuwait University, Health Science Centre 11 Suppl 2. https://doi.org/10.1159/000066413.[]

  12. Toda M, Morimoto K. 2000. « [Effects of Ramadan Fasting on the Health of Muslims] ». Nihon Eiseigaku Zasshi. Japanese Journal of Hygiene 54 (4). https://doi.org/10.1265/jjh.54.592.[]
  13. Aslam M, Wilson Jv. 1992. « Medicines, Health and the Fast of Ramadan ». Journal of the Royal Society of Health 112 (3). https://doi.org/10.1177/146642409211200308.[]