Retentissement des MICI sur la sexualité

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La Maladie de Crohn et la Rectocolite Hémorragique sont des Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) qui se caractérisent par des douleurs abdominales et des troubles du transit qui évoluent par poussées.

La Maladie de Crohn concerne tout le tube digestif, alors que la rectocolite hémorragique (ou colite ulcéreuse) est limitée aux régions du rectum et parfois du côlon.

Ce sont des maladies assez rares (1 personne sur 1000), qui touchent les gens jeunes avec un âge moyen de découverte entre 15 et 35 ans. On estime que 60 000 personnes sont atteintes de la maladie de Crohn en France, 1 million en Europe et 600 000 en Amérique du Nord1.

La cause exacte des MICI n’est pas encore clairement identifiée, mais on pense qu’elles sont dues à l’exposition d’un individu, probablement génétiquement prédisposé, à des facteurs de risque environnementaux qui vont induire une augmentation de la perméabilité intestinale. Cette perméabilité anormale va permettre de faire entrer à l’intérieur de la paroi de l’intestin des molécules étrangères, responsables d’une activation de la réponse inflammatoire et de la production, en excès, de protéines de l’inflammation qui vont donner les douleurs, les troubles du transit et les saignements.

On sait depuis longtemps déjà que la Maladie de Crohn et la Rectocolite Hémorragique pèsent lourdement sur la qualité de vie des patients à cause des crises douloureuses, des hospitalisations ou des opérations chirurgicales parfois nécessaires, et des effets secondaires des traitements 2. Mais ce que l’on sait moins, c’est que ces pathologies ont un retentissement important sur la sexualité, la fertilité et la vie de couple des personnes qui en sont atteintes.

Retentissement négatif sur la sexualité

Une récente Revue de la littérature a démontré que chez les personnes atteintes de MICI, plus de 50 % des femmes souffrent de difficultés sexuelles et 45 % des hommes de dysfonction érectile 3.

Chez les femmes, les difficultés les plus rencontrées sont les troubles du désir, et de l’orgasme.
Ces difficultés sont favorisées par l’anxiété, par un mauvais score de qualité de vie globale, par la fatigue chronique et par l’absence d’exercice physique.
Il n’y a en revanche pas de différence significative en ce qui concerne la lubrification et les dyspareunies par rapport aux témoins, ni en ce qui concerne la fréquence des rapports sexuels4.

Chez les hommes, on note principalement des troubles de l’érection : 42,8% vs 12,5% dans la population générale du même âge4.

A noter que c’est principalement l’anxiété, la dépression, l’altération de la qualité de vie et la fatigue en lien avec la maladie qui sont responsables de ce retentissement négatif sur la sexualité, plutôt que l’activité de la maladie, qui ne semble pas être un déterminant si important que ça de la dysfonction sexuelle56.

Retentissement sur le couple

Dans le cadre de l’enquête IMPACT, à laquelle ont participé plus de 5000 personnes atteintes de MICI appartenant à des associations de patients de toute l’Europe, 40 % des personnes interrogées ont déclaré que leur MICI les avait empêchées de poursuivre des relations intimes7.

La moitié des patients estiment que leur maladie a un impact négatif sur leur statut relationnel ; un tiers déclare qu’elle altère leur image corporelle 8.

Dans une autre étude, 21% des patients souffrant de MICI ont déclaré hésiter à entamer une nouvelle relation en raison de leur maladie, et dans 14 % des cas, la MICI a contribué à une rupture9.

Retentissement sur la fertilité

Il n’existe aucune preuve que la Rectocolite Hémorragique ou la Maladie de Crohn inactive affectent la fertilité10. En effet, les taux d’infertilité sont similaires entre les femmes atteintes d’une MICI quiescente et n’ayant pas subi de chirurgie pelvienne préalable et la population générale11.
Néanmoins, en cas de maladie active, l’inflammation péritonéale pourrait être responsable d’adhérences intra-abdominales et donc d’une diminution du taux de fertilité.
De plus, une baisse de la libido, une dyspareunie, des douleurs abdominales chroniques et des troubles anxieux/dépressifs peuvent entraîner une augmentation de la stérilité chez les patients atteints de MICI12.

L’absence volontaire d’enfant est plus fréquente chez les patients atteints de MICI que dans la population générale, parfois en raison de connaissances médicales et/ou de communications inadéquates : appréhension de la fertilité, peur de transmettre la maladie etc13.

De plus, les femmes atteintes de MICI et qui envisagent une grossesse arrêtent souvent leur traitement sans en informer leur médecin14, alors que l’adhésion au traitement des MICI et l’arrêt du tabac pendant la grossesse améliore le taux de natalité et réduit le risque de rechute15.

Conseils aux patients

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin entrainent douleur, fatigue, anxiété et mauvaise image de soi.

Ces éléments sont des facteurs favorisants des troubles de l’érection, qui touchent presque un homme atteint de MICI sur deux. Ces troubles de l’érection vont renforcer la mauvaise estime de soi, entrainant un cercle vicieux qu’il est important d’essayer de casser. On peut pour cela envisager un soutient psycho-sexologique, ou l’aide de médicaments sexo-actifs. Il est préférable pour cela d’en parler à son médecin référent, qui peut prescrire ou adresser à un spécialiste.

Ces symptômes sont également la cause de la baisse du désir chez la moitié des femmes atteintes de MICI. C’est là où l’aide d’un sexologue peut être utile.

Conseils aux médecins

Il est important de favoriser la rémission de la maladie, de dépister la dépression sous-jacente chez les patients atteints de MICI, et d’informer et accompagner ces patients jeunes dans leur désir de conception.
Les médecins spécialisés dans les MICI devraient jouer un rôle proactif dans le dépistage et l’identification des facteurs contribuant à l’altération de la fonction sexuelle chez leurs patients.
Ils ne devraient pas attendre que les patients en parlent d’eux-mêmes, dans la mesure où c’est souvent un sujet difficile à aborder pour les patients, qui estiment d’ailleurs que c’est au médecin lui-même d’aborder la question 16.

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Références

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  2. Subrata Ghosh et Rod Mitchell, « Impact of Inflammatory Bowel Disease on Quality of Life: Results of the European Federation of Crohn’s and Ulcerative Colitis Associations (EFCCA) Patient Survey », Journal of Crohn’s & Colitis 1, no 1 (septembre 2007): 10 20, https://doi.org/10.1016/j.crohns.2007.06.005[]
  3. Romain Leenhardt et al., « Sexual health and fertility for individuals with inflammatory bowel disease », World Journal of Gastroenterology 25, no 36 (28 septembre 2019): 5423 33, https://doi.org/10.3748/wjg.v25.i36.5423[]
  4. P Rivière et al., « Frequency of and Factors Associated With Sexual Dysfunction in Patients With Inflammatory Bowel Disease », Journal of Crohn’s and Colitis 11, no 11 (27 octobre 2017): 1347 52, https://doi.org/10.1093/ecco-jcc/jjx100[][]
  5. Linda G. J. Bel et al., « Sexual Dysfunctions in Men and Women with Inflammatory Bowel Disease: The Influence of IBD-Related Clinical Factors and Depression on Sexual Function », The Journal of Sexual Medicine 12, no 7 (juillet 2015): 1557 67, https://doi.org/10.1111/jsm.129133[]
  6. Antje Timmer et al., « Determinants of female sexual function in inflammatory bowel disease: a survey based cross-sectional analysis », BMC Gastroenterology 8 (3 octobre 2008): 45, https://doi.org/10.1186/1471-230X-8-45[]
  7. Sanna Lönnfors et al., « IBD and Health-Related Quality of Life — Discovering the True Impact », Journal of Crohn’s & Colitis 8, no 10 (octobre 2014): 1281 86, https://doi.org/10.1016/j.crohns.2014.03.005[]
  8. Kate R. Muller et al., « Female Gender and Surgery Impair Relationships, Body Image, and Sexuality in Inflammatory Bowel Disease: Patient Perceptions », Inflammatory Bowel Diseases 16, no 4 (avril 2010): 657 63, https://doi.org/10.1002/ibd.21090[]
  9. Aoibhlinn O’Toole et al., « Sexual Dysfunction in Men With Inflammatory Bowel Disease: A New IBD-Specific Scale », Inflammatory Bowel Diseases 24, no 2 (18 janvier 2018): 310 16, https://doi.org/10.1093/ibd/izx053[]
  10. C. J. van der Woude et al., « The Second European Evidenced-Based Consensus on Reproduction and Pregnancy in Inflammatory Bowel Disease », Journal of Crohn’s & Colitis 9, no 2 (février 2015): 107 24, https://doi.org/10.1093/ecco-jcc/jju006[]
  11. N. Tavernier et al., « Systematic Review: Fertility in Non-Surgically Treated Inflammatory Bowel Disease », Alimentary Pharmacology & Therapeutics 38, no 8 (octobre 2013): 847 53, https://doi.org/10.1111/apt.12478[]
  12. Antje Timmer et al., « Sexual Function in Persons with Inflammatory Bowel Disease: A Survey with Matched Controls », Clinical Gastroenterology and Hepatology: The Official Clinical Practice Journal of the American Gastroenterological Association 5, no 1 (janvier 2007): 87 94, https://doi.org/10.1016/j.cgh.2006.10.018[]
  13. Míriam Mañosa et al., « Fecundity, Pregnancy Outcomes, and Breastfeeding in Patients with Inflammatory Bowel Disease: A Large Cohort Survey », Scandinavian Journal of Gastroenterology 48, no 4 (avril 2013): 427 32, https://doi.org/10.3109/00365521.2013.772229[]
  14. Geoffrey C. Nguyen et al., « The Toronto Consensus Statements for the Management of Inflammatory Bowel Disease in Pregnancy », Gastroenterology 150, no 3 (mars 2016): 734-757.e1, https://doi.org/10.1053/j.gastro.2015.12.003[]
  15. Alison de Lima et al., « Preconception Care Reduces Relapse of Inflammatory Bowel Disease During Pregnancy », Clinical Gastroenterology and Hepatology: The Official Clinical Practice Journal of the American Gastroenterological Association 14, no 9 (2016): 1285-1292.e1, https://doi.org/10.1016/j.cgh.2016.03.018[]
  16. A. Lemaire et al., « Pourquoi les patients qui ont des difficultés sexuelles ne consultent-ils pas plus souvent ? D’après une enquête française de l’ADIRS », Sexologies 18, no 1 (janvier 2009): 32 37, https://doi.org/10.1016/j.sexol.2008.09.006[]