Sommeil et santé sexuelle : un lien étroit à ne pas négliger

Un lien maintenant connu entre le sommeil et la sexualité

Le sommeil est un besoin fondamental du corps, essentiel pour la santé et le bien-être. Un sommeil de qualité permet de récupérer de la fatigue physique et mentale, et de régénérer l’organisme en profondeur. Cependant, le lien entre le sommeil et la santé sexuelle est souvent méconnu, et pourtant il est bel et bien présent.

En tant que professionnel de la santé, il est important de comprendre le lien entre le sommeil et la sexualité afin d’optimiser la prise en charge des patients présentant des troubles de la santé sexuelle. Dans cet article, nous allons examiner de plus près ce lien complexe entre le sommeil et la sexualité, et comment il peut impacter la vie sexuelle des individus.

De nombreuses études ont montré que le manque de sommeil peut avoir des répercussions négatives sur la santé sexuelle, tant chez les hommes que chez les femmes. Ainsi, le manque de sommeil peut entraîner une baisse de la libido, des problèmes d’érection chez les hommes, une sécheresse vaginale chez les femmes, ainsi qu’une diminution de l’énergie et de la motivation, ce qui peut rendre les activités sexuelles moins attrayantes.

Retentissement de la privation de sommeil sur la production de testostérone

La testostérone est une hormone sexuelle importante chez les hommes, qui est essentielle pour la libido et la fonction sexuelle. Le sommeil joue un rôle crucial dans la régulation de la production de cette hormone. Pendant la nuit, la production de testostérone atteint son pic pendant la phase de sommeil profond.

Cependant, le manque de sommeil peut perturber cette régulation hormonale. Des études ont montré qu’une privation de sommeil d’un seule semaine peut entraîner une baisse de 10 à 15% de la testostérone chez les hommes1.

La testostérone joue un rôle important dans le désir sexuel et la fonction érectile, donc une baisse de cette hormone peut avoir un impact négatif sur la santé sexuelle masculine. En effet, une étude publiée dans le Journal of Sexual Medicine2 a montré que les hommes ayant des niveaux plus élevés de testostérone ont une meilleure fonction érectile que ceux ayant des niveaux plus faibles.

Les mécanismes sous-jacents de l’effet de la privation de sommeil sur la production de testostérone chez les hommes ne sont pas entièrement compris. Cependant, il est suggéré que la privation de sommeil peut perturber l’équilibre hormonal dans l’organisme et donc affecter la production de testostérone3

De plus, la privation de sommeil peut également entraîner une augmentation du cortisol, une hormone de stress, qui peut à son tour affecter la production de testostérone4.

Enfin, il est important de noter que la privation de sommeil peut avoir un impact négatif sur la santé sexuelle masculine de plusieurs autres manières. Outre la baisse de la production de testostérone, la privation de sommeil peut également affecter la qualité du sperme. Une étude publiée dans la revue médicale Fertility and Sterility5 a montré que les hommes qui dormaient moins de 6 heures par nuit avaient des spermatozoïdes moins mobiles et moins nombreux que les hommes qui dormaient plus de 7 heures par nuit.

Troubles du sommeil et sexualité chez les femmes

Diminution de la lubrification

Certaines études ont suggéré qu’il existe un lien entre les troubles du sommeil et les troubles de la lubrification vaginale chez les femmes.

Une étude publiée dans la revue Medicina6 en 2019 a examiné la relation entre les troubles du sommeil et la sécheresse vaginale chez les femmes ménopausées. Les chercheurs ont découvert que les femmes qui souffrent de troubles du sommeil ont un risque plus élevé de souffrir de sécheresse vaginale que celles qui dorment bien. En outre, ils ont également constaté que les femmes qui ont des difficultés à s’endormir ont un risque plus élevé de souffrir de sécheresse vaginale que celles qui s’endorment facilement.

Diminution du désir

Le manque de sommeil peut avoir un impact significatif sur le désir sexuel féminin, selon une étude publiée dans The Journal of Sexual Medicine en 20157. L’étude, menée par le docteur en psychologie David Kalmbach et son équipe, a montré que les femmes qui dorment moins ont tendance à avoir moins de désir sexuel que celles qui dorment suffisamment.

Les résultats ont révélé que les femmes qui dormaient moins avaient une réponse sexuelle plus faible, moins de fantasmes sexuels, une plus faible motivation sexuelle et une moindre satisfaction sexuelle que celles qui dormaient suffisamment. De plus, les femmes qui dormaient moins étaient également plus susceptibles de souffrir de fatigue diurne et de somnolence pendant la journée.

Diminution de la satisfaction sexuelle globale

Une autre étude réalisée en 20218 a examiné la relation entre la qualité du sommeil et la fonction sexuelle chez les femmes. Les résultats ont montré que les femmes ayant un sommeil de mauvaise qualité avaient 48% plus de risque de présenter des difficultés sexuelles ; 63,3 % des femmes dormant moins de 5 heures par nuit  présentaient des troubles sexuels féminins, et leur score total et par domaine de l’indice de la fonction sexuelle féminine était significativement inférieur à celui des femmes dormant plus de 7 heures par nuit.

L’apnée du sommeil et la dysfonction érectile chez les hommes

L’apnée du sommeil est associée à une augmentation du risque de dysfonction érectile chez les hommes9.

Il existe plusieurs théories sur l’origine des troubles de l’érection chez les patients atteints de SAOS, de sorte que l’on peut supposer une genèse multifactorielle10.

L’apnée du sommeil est un trouble caractérisé par des arrêts respiratoires récurrents pendant le sommeil, qui peuvent affecter la qualité du sommeil et entraîner une diminution de la production d’oxyde nitrique, une substance importante pour la fonction érectile.

Des études ont montré qu’une altération du réflexe bulbo-caverneux due à l’hypoxie et des neuropathies périphériques locales peuvent être à l’origine de l’apparition d’une dysfonction érectile chez ces patients11.

Des recherches ont également confirmé la théorie d’une lésion neuronale, dont l’origine se trouve dans l’inflammation de la moelle épinière12.

En outre, la pression artérielle ainsi que l’activité sympathique accrue, causées par les réactions d’éveil récurrentes, ont été identifiées comme des facteurs contribuant à la dysfonction érectile chez les patients atteints d’apnée du sommeil13.

Des facteurs hormonaux tels qu’une diminution des androgènes ont également été rapportés comme étant à l’origine du développement de la dysfonction érectile chez les patients atteints d’apnée du sommeil14.

Les causes psychologiques, telles qu’une qualité de sommeil réduite ou une fatigue diurne accrue, peuvent également être des facteurs importants. En outre, l’obésité, l’hypertension et le diabète, qui sont souvent associés à l’apparition de l’apnée du sommeil, peuvent également contribuer à la dysfonction érectile10.

Un lien bidirectionnel entre le sommeil et la santé sexuelle

Il existe un lien bidirectionnel entre le sommeil et la santé sexuelle, où la qualité et la quantité du sommeil peuvent avoir un impact significatif sur la santé sexuelle, et vice versa.

D’une part, un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité peut entraîner une diminution de la libido, des problèmes d’érection ou de lubrification, une diminution de la satisfaction sexuelle et une fatigue diurne, ce qui peut affecter la qualité de vie en général.

D’autre part, des problèmes de santé sexuelle peuvent également entraîner des troubles du sommeil, tels que l’insomnie, l’anxiété ou la dépression, ce qui peut créer un cercle vicieux difficile à rompre.

Enfin, l’association entre les deux peut même se complexifier lorsque l’on sait par exemple qu’une dysfonction érectile chez un homme augmente de 192% le risque de dépression15, et que la dépression altère également la qualité du sommeil.

Il est donc important pour les professionnels de la santé de prendre en compte la qualité du sommeil lors de l’évaluation des problèmes de santé sexuelle et de promouvoir de bonnes habitudes de sommeil chez leurs patients.

Des interventions telles que l’éducation sur l’hygiène de sommeil, les changements de mode de vie ou les traitements médicaux peuvent aider à améliorer la qualité du sommeil et la santé sexuelle.

Importance de prendre en compte la qualité du sommeil et la santé sexuelle

En conclusion, la littérature scientifique suggère qu’il existe un lien entre le sommeil et la fonction sexuelle.

La privation de sommeil, les troubles du sommeil tels que l’apnée du sommeil et l’insomnie, ainsi que le manque de sommeil, peuvent tous affecter la libido, la production d’hormones sexuelles et la fonction sexuelle.

Inversement, les problèmes de santé sexuelle peuvent également affecter le sommeil, en créant de l’anxiété, de la dépression ou de l’insomnie, ce qui peut conduire à un cercle vicieux difficile à rompre.

Il est donc important pour les professionnels de la santé sexuelle d’évaluer la qualité du sommeil chez les patients présentant des problèmes sexuels, afin de déterminer si le sommeil est un facteur contribuant aux problèmes de santé sexuelle.

De même, les médecins spécialistes du sommeil devraient interroger leurs patients sur leur santé sexuelle car il existe un lien étroit entre le sommeil et la santé sexuelle.

Le fait d’aborder le sujet de façon systématique peut aider les patients à se sentir à l’aise pour parler de ces problèmes, ce qui peut renforcer leur relation de confiance et leur adhésion au traitement.

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Références

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  3. Wittert, Gary. 2014. « The Relationship between Sleep Disorders and Testosterone ». Current Opinion in Endocrinology, Diabetes, and Obesity 21 (3): 239‑43. https://doi.org/10.1097/MED.0000000000000069.[]
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  6. Gava et al. 2019. « Cognition, Mood and Sleep in Menopausal Transition: The Role of Menopause Hormone Therapy ». Medicina (Kaunas, Lithuania) 55 (10): 668. https://doi.org/10.3390/medicina55100668.[]
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  15. Qian Liu et al., Erectile Dysfunction and Depression: A Systematic Review and Meta-Analysis, The Journal of Sexual Medicine, Volume 15, Issue 8, 2018, Pages 1073-1082, ISSN 1743-6095, https://doi.org/10.1016/j.jsxm.2018.05.016.[]